KraftHeinz, quelle évolution ?

Depuis la production du podcast/vidcast consacré à la débâcle de KraftHeinz (KHC), deux publications et une annonce.

Depuis la production du podcast/vidcast consacré à la débâcle de KraftHeinz (KHC), deux publications et une annonce.

 

Avec un retard annoncé dès février, la firme a publié en juin ses comptes définitifs 2018, incluant un retraitement sur les comptes 2016 et 2017. Pas de modification considérable sur ces derniers, le résultat net par action passant de $9.03 à $8.98 pour 2017. Par contre, les comptes 2018 montrent une dépréciation exceptionnelle de près de 16 milliards de dollars des postes goodwill et immobilisations incorporelles. Warren Buffett avait déclaré en juin sur CNBC : « I made a mistake in the Kraft purchase (note de l’auteur : acheté par Heinz en 2015) in terms of paying too much ». Au premier rang des motifs de dépréciation des actifs, le rapport annuel 2018 mentionne (page 96) la chute du cours de bourse qui a entrainé la valeur de la firme en-dessous de sa valeur comptable. Concrètement, avec un cours de bourse de $33 fin janvier 2019 et 1.2 milliards d’actions en circulation, la capitalisation boursière de KHC s’élevait à 40 milliards de dollars pour des capitaux propres de 65 milliards à fin Q3 2018, il était difficile de maintenir que la montant des actifs inscrits aux bilans reflétaient leur valeur financière.

 

Depuis lors, KHC a publié les comptes du premier semestre 2019 : par rapport à la même période en 2018, légère baisse des ventes et résultat d’exploitation (EBIT) de 1.3 milliard de dollars US au lieu de 2.9 (2018), notamment à cause d’une nouvelle dépréciation de 1.2 milliard. Si l’on retire cet élément « exceptionnel », l’EBIT s’élèverait à 2.5 pour des capitaux engagés (CE) comptables de 80 milliards environ (capitaux propres – 50 + dettes financières nettes – 30). En annualisant de manière simpliste l’EBIT (multiplié par 2…), nous obtenons un ROCE (EBIT / CE) de 5 / 80, soit à peu près 6% avant impôts. Le bêta de KHC est de l’ordre de 1.2 et sa dette financière coûte environ 4%, d’où un coût du capital (CMPC) de 6%. L’economic profit (EP = ROCE après impôts -au taux de 25%- moins CMPC) est, donc, négatif, voisin de -1.5%. EP négatif et valeur boursière inférieure à la valeur comptable (badwill) sont deux constats malheureusement cohérents. De manière intéressante, le ratio de création (destruction) de valeur Market-To-Book (MTB) obtenu en divisant la valeur d’entreprise (EV = capitalisation boursière + dettes financières nettes) par les capitaux engagés comptables se déduit du ROCE et du CMPC par la formule suivante :

 

MTB = \fn_phv \large ((ROCE*(1-taux impôts)-g))/((CMPC-g) )

 

Le facteur g représente la croissance à long terme des free cash-flows. Si l’on prend le cours de bourse de KHC début septembre ($27) et le bilan de la fin du premier semestre, on obtient un MTB de 0,75. Or, le ROCE après impôts (calculs précédents) représente environ 75% du CMPC. Donc, le paramètre g vaut zéro dans la formule. Cela peut s’interpréter comme « le marché n’anticipe aucune croissance des free cash-flows », propos qui est cohérent avec une quasi-stabilité des ventes.

 

Qu’en déduire pour le futur ?

KHC a annoncé la nomination d’un nouveau CEO, Miguel Patricio, au 1er juillet 2019. Le plan de rémunération est décrit à la fin du 10Q publié fin août et montre que celle-ci est considérablement liée à l’évolution du cours de bourse.

Si le nouveau CEO augmente le ROCE de manière durable, le cours de bourse va remonter pour le grand bien de ses actionnaires et de son patrimoine personnel. S’il fait croître le chiffre d’affaires, mais sans améliorer la rentabilité, il n’y aura pas de création de valeur, car seule la rentabilité crée de la valeur dans le long terme. Mais, comment augmenter le ROCE ? Par de nouvelles réductions de coûts … ? Doit-on s’attendre à de nouvelles dépréciations si la performance financière ne se rétablit pas ?