De la biotech à la Big Pharma ?

La biotech Moderna tient à conserver son indépendance dans le monde pharmacologique

Par Dominique Jacquet

Nous avons déjà évoqué le caractère stratégique et la complexité de la décision dite « make or buy ? », qui consiste à fabriquer soi-même ou à sous-traiter.

 

Dans le cas de sociétés de biotechnologie, il semblerait que la question ne se pose pas, car ces firmes développent des médicaments pour les porter en phase 1 ou 2, souvent avec l’aide financière des grands firmes pharmaceutiques, puis sont rachetées par ces mêmes firmes en cas de succès.

 

C’était le cas de Pharmasset, acquise par Gilead en 2012 et qui a été l’objet de notre vidcast de mai.

 

En contradiction complète avec ce constat, Moderna a l’ambition claire de conserver son indépendance, en se dotant même de son propre outil industriel.

 

‘mRNA, the software of life’

Jacques Monod et François Jacob ont reçu le Prix Nobel de Médecine en 1965 en émettant et développant le concept d’ARN messager qui permet, en simplifiant (voir Wikipedia pour explications techniques !), à la cellule de réguler l’expression des différentes protéines dont elle a besoin. Il s’agit d’un codage génétique, d’où l’expression utilisée par Moderna, the software of life.

 

La société développe des vaccins fondés sur cette technologie et est très avancée dans le développement d’un vaccin contre la COVID-19, ce qui la place, évidemment, au cœur de l’activité médiatique et financière.

 

Créée en 2010, Moderna est entrée au Nasdaq en 2018 sous le symbole MRNA, sa marque de fabrique, et les premiers mois de sa cotation ont montré des hauts et des bas autour du Nasdaq.

 

Le graphe suivant montre l’évolution des revenus et profits de la firme sur 4 ans. Ne disposant pas (encore) d’Autorisation de Mise sur le Marché, les revenus ne sont constitués que d’avances provenant de partenariats signés avec des grandes firmes pharmaceutiques.

Source : Yahoo Finance

 

Fin février 2020, elle atteint une performance cumulée identique à son indice de référence avec un cours de $18.6, puis commence un rallye boursier exceptionnel qui la porte à $86 le 18 mai en raison d’annonces très prometteuses sur le développement du vaccin contre le novel coronavirus. Alors, la firme, bien que disposant d’une trésorerie de près de 1,7 milliards de dollars US (source : Q1 2020), émet de nouvelles actions à un prix de $76 pour lever 1,25 milliards de dollars portant sa trésorerie à environ 3 milliards. L’objectif annoncé n’est pas de financer la recherche qui consomme 500 millions de dollars par an, mais bien de constituer un outil industriel qui, en complément avec un accord de partenariat industriel avec la société suisse Lonza, va permettre de produire, suivant les propos de son CEO Stéphane Bancel, jusqu’à un milliard de doses par an.

 

Les premiers batchs de production seront lancés par Lonza en juillet 2020, alors que (annonce du 11 juin) l’étude de phase 3 (en fast track) avec 30.000 sujets ne va démarrer que ce même mois… Ceci représente un risque industriel « significatif » et montre une confiance considérable des différents acteurs quant à la réussite scientifique et industrielle du projet.

 

Le 27 mai, le cours connaît une chute importante et clôture à $51… pour remonter à $62 le 12 juin. L’avenir (proche) nous dira si nous sommes en train d’observer une occurrence, parmi d’autres, d’une envolée boursière émotionnelle ou la naissance d’un acteur important du monde pharmaceutique avec l’arrivée d’un nouveau CFO, David Meline, ex-Executive Vice-President & CFO d’Amgen.