Faire, défaire … et entrer en bourse…
Un coup d'oeil lucide sur les marchés financiers en cette fin d'automne
Par Dominique Jacquet
L’actualité de ce mois de novembre est assez chargée en commençant par des scissions d’entreprises.
Johnson & Johnson se sépare de l’activité grand public, ce qui n’est que la continuation d’un processus déjà mis en œuvre par les grands firmes pharmaceutiques.
Plus frappante est la scission du prestigieux conglomérat General Electric, longtemps le dernier survivant de la liste initiale du Dow Jones Industrial Average à laquelle il a appartenu pendant 111 ans. Les conglomérats n’ont la cote ni auprès des théoriciens de la finance, ni auprès des investisseurs qui les punissent par une décote pouvant atteindre 30%. Rappelons-nous que ces conglomérats avaient fait la fortune des banques d’affaires dans les années ‘70s avant que leur gigantisme et l’inefficacité de certains ne servent de justification à la déréglementation des marchés et à l’émergence du market for corporate control dans les années ‘80s. Faire et défaire…
Au chapitre des mises en bourse, notons l’arrivée de Rivian, société du secteur automobile (véhicules électriques), proposée à $78 par action et qui vaut $130 après 3 jours de cotation, soit une capitalisation boursière de 127 milliards de dollars, 10 milliards de plus que GE précédemment citée. Pas mal pour une entreprise qui n’a pas encore vendu un véhicule… En comparaison, Volvo Cars vient d’entrer à la Bourse de Stockholm avec une valorisation de 25 milliards de dollars, vendant 381 000 véhicules au premier semestre avec une marge d’exploitation de 9,4% et un engagement très marqué pour le véhicule électrique. Ce rapport de 5 à 1 me rappelle les propos de deux investisseurs en Capital-Risque que j’avais invités dans mon cours de Financial Management for High Tech firms en MBA à l’université d’Ottawa en 1999 : ne faites pas de chiffre d’affaires avant d’aller voir les investisseurs, car vous ne pourrez plus les faire rêver ! Heureusement, il y a eu l’an 2000 et la finance s’est largement professionnalisée depuis lors.
Enfin, nous retrouvons WeWork avec une capitalisation de 7 milliards de dollars, en baisse de 20% après 3 semaines de cotation. Rappelons que la valorisation était de 47 milliards au milieu de 2019. Mais, il est vrai qu’à l’époque l’entreprise perdait 1,9 milliards de dollars pour des revenus de 1,8 milliards. Au premier semestre 2021, WeWork annonce des revenus semestriels de 1,2 milliards et un EBITDA ajusté négatif de moins 900 millions. Mais, elle attend un EBITDA de 2 milliards pour des revenus proches de 7 milliards en 2024, donc pas de problème. Son glorieux fondateur, Adam Neumann, détient toujours 8,4% des titres, soit une valeur supérieure à 600 millions de dollars, tout n’est pas perdu…