Priorisation

Unilever et son généreux programme de rachat d'actions

Par Dominique Jacquet

 

 

Le 29 avril 2021, tout en présentant des résultats financiers brillants pour le premier trimestre, Unilever annonçait un programme de rachat d’actions significatif, portant sur près de 2,5% de son capital pour un montant de 3 milliards d’Euros.

 

Objectif accompli, tel qu’il apparaît dans le communiqué du 3 décembre, montrant le soin que la firme apporte au traitement de ses actionnaires et à la création de valeur. Ces 3 milliards s’ajoutent aux 4,3 milliards devant être versés cette année en dividendes aux actionnaires, soit un total de 7,3 milliards d’Euros.

 

Cela montre à l’évidence une société très bien gérée et très rentable.

 

Le cours de bourse a bien accueilli les annonces et s’est apprécié de près de 10% entre début mai et début juillet dans un marché stable, pour connaître une baisse brutale lorsque Ben & Jerry’s a annoncé son boycott du marché d’Israël à cause de l’enjeu des territoires occupés et d’une augmentation record des coûts de revient. Intéressons-nous à cette dernière.

 

L’inflation est aujourd’hui un sujet d’inquiétude pour les banques centrales et les marchés de capitaux. Au niveau des entreprises, l’impact porte sur le résultat d’exploitation, donc la rentabilité et le cours de bourse en pâtit… sauf si la firme est capable de « transférer » l’inflation sur ses coûts à ses clients au travers de l’augmentation des prix de vente. Ceci ne peut être réalisé qu’en s’appuyant sur un portefeuille de marques incontournables dans l’esprit des consommateurs, ce qui est bien la situation enviable d’Unilever.

 

L’annonce, fin août, des résultats du premier semestre va rassurer les investisseurs : la firme a été en mesure d’imposer une augmentation moyenne de ses prix de vente de 1,3% au premier trimestre et 1,6% au deuxième trimestre, ce qui, suivant un calcul approximatif, représente une amélioration du résultat d’exploitation de l’ordre de 400 millions d’Euros. Les marchés ont salué cette annonce en faisant progresser le titre.

 

Les consommateurs ont peut-être réagi différemment. La première page du rapport annuel 2020 montre toute l’attention portée aux parties prenantes. Le mot « purpose » est plusieurs fois utilisé, notamment pour qualifier ces fameuses marques au service de la satisfaction des clients.

 

En pleine pandémie, au moment où les premiers vaccins sont administrés et où bon nombre de consommateurs de produits Unilever sont inquiets pour leur santé et leur devenir, mobiliser la puissance des marques pour leur extraire 400 millions d’Euros de revenu disponible montre bien le sens des priorités. L’investisseur n’est nullement mentionné dans la première page du rapport annuel, mais il est au sommet des priorités de la firme.

 

Dans un moment où se pose la question de la « mission » de l’entreprise, privilégier la création de valeur pour l’actionnaire est un objectif qui peut être questionné mais défendu. Ce qui est plus gênant, c’est l’écart entre le discours de la firme et la réalité financière de sa prise de décision, pour qu’en définitive le cours de bourse baisse de 43£ à 40£ en un an…