Entre fake accounts et tactique d’acquisition
Les curieuses indécisions d'Elon Musk face à Twitter
Par Dominique Jacquet
Entre l’enregistrement du vidcast de ce mois (« Un tweet à 44 milliards… ») et la rédaction de ce blogue (14 mai), Elon Musk a annoncé qu’il reconsidérait l’acquisition de Twitter car il craignait que les « fake accounts » ne représentent plus que les 5% annoncés par la cible.
En conséquence, le cours de Twitter a perdu environ 20% faisant chuter la capitalisation boursière de 40 à 32 milliards de dollars. Par contre, l’annonce du retrait éventuel a permis au cours de Tesla de rattraper une (petite) partie des 270 milliards de dollars évaporés… Le cours a repris 6% à l’annonce de Musk, mais il en avait perdu environ 27%…
Alors, tactique d’acquisition ou véritable interrogation ?
Le vidcast s’intéresse à la dimension économique de l’offre d’achat et à l’éventuelle motivation financière de l’offre d’achat. La conclusion est qu’il faut être assez optimiste sur l’évolution de l’EBITDA de Twitter pour obtenir un ROI à peine correct.
Si Elon Musk retire son offre, il devra (merger agreement) payer un dédit d’un milliard de dollars, mais qu’est-ce par rapport à faire remonter la valeur des 16% de Tesla qu’il détient encore ? Il suffirait d’une augmentation du cours de Tesla de 0,8% pour que le gain en capital rembourse la pénalité.
Par contre, il existe un aspect juridique qui peut permettre de modifier l’approche financière. Le film de la Ecademy consacré à l’acquisition de Tiffany par LVMH (juin 2020) nous avait permis d’évoquer le Material Adverse Change (MAC) comme possibilité de se retirer sans pénalité d’une acquisition dans le cas où des circonstances exceptionnelles affectent significativement la valeur de la firme. En pratique, une décision de justice a donné raison à l’acquéreur (Akorn vs. Fresenius, Delaware 2018). L’acquisition de Tiffany avait été perturbé, à l’évidence, par l’épidémie de Covid-19. Dans le cas d’Akorn, l’EBITDA avait perdu 86% entre la signature et la mobilisation des tribunaux pour des raisons spécifiques à l’entreprise. La pandémie est une cause systémique et, en définitive, LVMH et Tiffany sont tombés d’accord sur une baisse de prix pour réaliser l’acquisition (et éviter les tribunaux…).
Le problème évoqué par Musk relève bien du spécifique : le nombre de fake accounts et son estimation dans la communication régulée. “We have performed an internal review of a sample of accounts and estimate that the average of false or spam accounts during the first quarter of 2022 represented fewer than 5% of our mDAU during the quarter” (source : communication des résultats Q1 2022 par Twitter).
La menace du MAC semble, donc, sérieuse et pourrait permettre à Elon Musk soit de se retirer, ce qui aurait vraisemblablement un effet assez positif sur ses actions Tesla mais en réalisant une moins-value significative sur les 9,2% des actions de Twitter qu’il détient depuis début avril, soit de négocier une baisse substantielle du prix d’acquisition, ce qui augmenterait le ROI mais sans régler le problème Tesla…
En attendant, Bill Gates a confirmé qu’il avait vendu à découvert pour $500M d’actions Tesla, ce qui a dû lui rapporter environ $100M en un mois, il n’y a pas de petits profits !