Joyeux anniversaire !

Retour sur inflation et marques

Par Dominique Jacquet

 

(Image créée par l’intelligence artificielle de Bing Image Creator)

 

Nous venons de célébrer le trentième anniversaire d’un événement qui a marqué les esprits (à l’époque) dans le secteur des biens de consommation courante, le Marlboro Friday.

 

Il ne s’agit pas d’une vente « flash » de produits sur un site de commerce électronique, mais de l’annonce faite par Philip Morris d’une baisse de 20% (40cts par rapport à $2,15) du prix de vente de son produit premium phare, bien connu pour la publicité montrant un cow-boy allumant sa cigarette en grattant une allumette sur sa joue…

 

Le marché financier a immédiatement réagi en transformant en fumée (mauvais jeu de mots…) un peu plus de 13 milliards de dollars de valeur boursière, le cours de Philip Morris chutant de 23%.

 

Pour l’Histoire, le Black Friday original date du 24 septembre 1869 et fût la conséquence d’une spéculation transformée en désastre, pour les spéculateurs comme pour le marché. La crise de 1929 a vu la combinaison de Black Thursday, Monday et Tuesday (moins 36% pour les 3 jours, moins 89% pour la crise totale…). L’année 1987 a connu un Black Monday à moins 22,6%, la crise des subprime ayant généré une baisse des indices de 10% un vendredi 10 octobre.

 

Revenons à Marlboro.

 

La crise économique du début des années 90s a été une rude épreuve pour les marques. Les consommateurs, constatant la baisse significative et durable de leur pouvoir d’achat, se sont progressivement tournés vers les produits discount à plus faible coût.

 

Le dilemme, pour une entreprise telle que Philip Morris était :

 

  • Soit, attendre la fin de la crise, en espérant que les clients reprendraient leurs habitudes antérieures de consommation, PM retrouvant clients, volumes et part de marché,
  • Soit, considérer que les clients étaient perdus de manière irréversible, et frapper un grand coût pour les ramener à la maison tout de suite, en attendant la fin de la crise pour augmenter à nouveau les prix de vente et marges associées.

 

Clairement, PM a opté pour la seconde interprétation et accepté de perdre des marges à court terme afin de conserver ses clients, considérant que leur départ serait sans retour.

 

Un mois après la décision, le bien connu Fortune Magazine analyse la décision et considère qu’elle est encore pire que le lancement du New Coke…

 

Mais, 18 mois plus tard, la firme a retrouvé son cours de bourse pré-crise et Marlboro sa part de marché de 30% (20% en avril 1993).

 

(Source graphique : DataTrek Research)

 

L’attention considérable portée par bon nombre d’experts financiers et économiques aux résultats à court terme leur fait souvent perdre de vue que la richesse et la pérennité d’une entreprise sont issues de leur capacité à attirer et conserver des clients.

 

Aujourd’hui, l’inflation sur les coûts conduit des entreprises à utiliser la puissance de leurs marques pour imposer une augmentation des prix de vente aux consommateurs afin d’annoncer aux marchés une croissance des ventes accompagnée de la résilience des marges.

 

Présentant les résultats d’Unilever pour l’année 2022, son CEO, Alon Jope décrit l’évolution des revenus et montre que la croissance organique (USG) de 9% s’est réalisée grâce à une augmentation des prix (UPG) de 11,3% et au détriment d’une perte de volume (UVG) de 2,1%… Le 4ème trimestre a même vu l’accélération du phénomène.

 

Que dire de l’ « utilité » de marques qui permet d’imposer ce transfert de richesse des clients à l’entreprise ? La firme retrouvera-t-elle son portefeuille de clients intact dans le futur ? Que dire de la Création de Valeur Durable ?