Équilibre
Pour qui maximiser,la création de valeur ?
Par Dominique Jacquet
Le film consacré à Paramount montre les effets dévastateurs d’une politique financière qui retourne aux actionnaires les fonds qui auraient dû être affectés à l’investissement et à la création de valeur pour les clients.
Le vidcast consacré à Unilever montre une firme en plein doute quant à la pertinence économique et financière de son engagement dans le développement durable, qui cède ses « actifs ESG » car elle a quelques difficultés à les gérer, et qui renouvelle fortement son comité exécutif pour recentrer les préoccupations de managers en direction de la performance financière.
Enfin, le mois dernier, le cas de Reddit nous montrait que la création de valeur actionnariale passait nécessairement par une prise en compte affirmée de l’environnement sociétal de la firme.
Alors, la question qui se pose est : « faut-il maximiser la création de valeur pour l’actionnaire, les externalités positives ESG ou la qualité de l’expérience client ? ».
Les théoriciens de l’organisation répondent avec élégance à cette question en évoquant l’attention séquentielle portée aux objectifs… Concrètement, lorsque l’on va trop loin dans une direction, il est recommandé de faire machine arrière et de remettre au goût du jour d’autres objectifs qui avaient été un peu négligés.
Les théoriciens de la finance (corporate finance) considèrent, pour certains d’entre eux, que la priorité absolue doit être accordée à la maximisation de valeur pour les actionnaires. D’autres se préoccupent des parties prenantes et les mettent sur le même plan que les actionnaires.
Le débat est vif, assez idéologique et les arguments de chaque partie ont un certain poids. Il est clair que les entreprises doivent convaincre les actionnaires d’apporter des fonds, ce qui se traduit par une promesse de rendement qui doit être tenue. A l’opposé, nous avions évoqué le cas de Rio Tinto (films – janvier et février 2023) dont les décisions opérationnelles faisaient peu de cas des parties prenantes avec des conséquences négatives sur la valeur actionnariale.
Donc, la complexité du sujet exige d’introduire une certaine dose de nuance dans le débat. Malheureusement, la nuance et la mesure dans les propos et l’expression des convictions ne semblent pas être au goût du jour. Rappelons la phrase citée dans le blogue (juin 2023) consacré à la comptabilisation des options sur actions et RSU en dépenses dans le P&L : « For the last time : Stock options are an expense » (HBR, 2003). L’énervement et l’arrogance n’ont jamais été des arguments culturels ou scientifiques.
En attendant de disposer d’un renouvellement sérieux des concepts de fonction d’utilité, de coût du capital et d’externalités, contentons-nous d’un pragmatisme moins guerrier, mais plus efficace, en maintenant un certain équilibre entre les différentes contraintes.