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Autour du rachat d'actions de Boeing

Par Dominique Jacquet

 

 

En souscrivant au milliard d’actions émises par Boeing, ses actionnaires ont investi, au fur et à mesure du développement de la firme, environ 15 milliards de dollars. L’entreprise ne sachant que faire de ses profits a décidé, il y a quelques années, de restituer massivement les fonds aux investisseurs, rachetant environ 400 millions d’actions pour 50 milliards de dollars. Voilà un bel exemple de maximisation de la valeur actionnariale. Malheureusement, la suite de l’histoire est moins belle : Boeing a privilégié l’amélioration du résultat net par action à court terme à l’investissement productif à long terme, ce qui a conduit l’entreprise dans un gouffre financier, humain et réputationnel, et dans un déficit de crédibilité technique dont elle ne sortira pas rapidement.

 

Aujourd’hui, elle annonce augmenter ses capitaux propres pour rembourser sa dette et investir dans l’outil industriel. Après avoir initialement évoqué un montant de 19 milliards de dollars, le montant semble se stabiliser un peu plus haut : 112,5 millions d’actions à $143, soit 16 milliards USD et pour l’équivalent de 5 milliards USD de Depositary Shares, soit un total de 21 milliards USD. Mais, c’est sans compter les options de surallocation à hauteur de 16,875 millions d’actions (2,4 milliards) et pour 750M USD de Depositary Shares additionnelles, ce qui pourrait porter la facture à 24 milliards, soit environ la moitié de ce qui avait été restitué sous forme de rachats d’actions.

 

Cette histoire est dramatique, mais elle est désespérément « classique ». En mai 2024, nous avons montré (film) que la bataille du streaming allait vraisemblablement se jouer entre Netflix et Disney (films pédagogiques de novembre et décembre !), laissant de côté Paramount, pourtant détenteur d’un patrimoine cinématographique exceptionnel. Là encore, le retour aux actionnaires avait été privilégié et nous avions montré que les actionnaires avaient perdu en « net » 13 milliards USD.

 

Cette erreur de sous-investissement a été largement expliquée, enseignée, documentée, … et ignorée.

 

Alors, comment peut-on prévenir de tels accidents économiques ? John K. Galbraith, à qui l’on demandait pourquoi les crises se répétaient alors qu’elles se ressemblaient toutes, avait mobilisé ce qu’il considérait comme deux constantes de la nature humaine, l’ignorance et la cupidité. Demander aux autorités boursières et financières de se substituer à l’entendement humain et d’intervenir pour prévenir les erreurs n’est probablement pas très efficace.

 

Reste, le marché !

 

Celui-ci récompense et les bons élèves et punit les mauvais, si l’on en croit ses adorateurs inconditionnels. Ils citent même Adam Smith et la Main Invisible qui, dans sa sagesse ultime, conduit le marché à l’équilibre.

 

Hormis le fait qu’Adam Smith n’a jamais soutenu que l’équilibre atteint était optimal, il est malheureusement acquis que la Main Invisible ne redonnera pas la vie aux 346 victimes de 737 MAX bâclés.

 

Par contre, les deux heureux astronautes du Starliner qui devaient passer quelques jours dans l’ISS et y resteront jusqu’en février pourront se consoler en lisant la Richesse des Nations de Smith ou le prospectus d’émission de Boeing (139 pages).