La valse aux (dizaines de) milliards…
Folies financières dans le monde de l'Intelligence Artificielle
Par Dominique Jacquet
En train de dîner au Palais de l’Élysée, invité par le Président de la République Française, Sam Altman doit s’absenter quelques minutes, car son ex-associé vient d’offrir près de 100 milliards de dollars pour acheter OpenAI. Sam Altman a répondu en proposant à Musk de lui acheter X (ex-Twitter) pour 9,7 milliards, ce qui a motivé la réponse de Musk : « escroc ».
Cela fait vraiment « cours de récréation » avec un sac de billes remplacé par des dollars en quantité significative.
Auparavant, Sam Altman, Larry Ellison et Masayoshi San avait présenté le projet Stargate avec la bénédiction de Donald Trump et l’engagement d’investir 500 milliards de dollars en 4 ans pour construire des centres de données et autres outils industriels liés à l’IA. Masayoshi et Sam s’étaient engagés, à court terme, à apporter 19,5 milliards. Le problème, c’est qu’il faut disposer du compte en banque correspondant. Il y a une nuance entre valorisation et cash.
Pour aider son ami, Masayoshi San a, donc, proposé d’entrer dans le capital d’OpenAI à hauteur de 40 milliards pour une valorisation pre-money de 260 milliards, mettant hors-jeu la proposition d’Elon Musk.
Se pose, alors, la question de la trésorerie à disposition de Masayoshi San pour financer OpenAI.
Or, Masayoshi (en fait SoftBank Vision Fund – SVF) est déjà entré dans le capital de la société en 2024, mais « modestement », apportant une partie de la levée de fonds d’octobre 2024 (6,6 milliards pour une valorisation pre-money de 150 milliards). Mais, SoftBank est déjà impliqué dans l’IA au travers de 2 investissements.
En 2016, SVF avait acheté Arm pour 31 milliards avant de mettre en bourse la société à hauteur de 54 milliards en 2023, valeur en progression à 155 milliards aujourd’hui. Les autorités de la concurrence avaient refusé la fusion de Arm et Nvidia en 2022, d’où la cotation de Arm. Mais, SVF était aussi entré au capital de Nvidia en mai 2017 en apportant 4 milliards à une firme qui en valait 80. La détention de 5% de Nvidia représente aujourd’hui 170 milliards de dollars, ce qui nous rassure quant à la capacité de Masayoshi San à fournir 40 milliards.
L’origine de la fortune de Masayoshi San se trouve dans sa rencontre avec Jack Ma en 2000 et l’investissement de 100 millions de dollars, devenus au fur et à mesure des années plus de 100 milliards.
Maintenant, imaginons un seul instant que, au lieu d’acheter 5% de Nvidia et 100% de Arm, il avait fait l’inverse. Il serait aujourd’hui l’heureux propriétaire d’une firme valant 3.400 milliards de dollars, soit 9 fois la fortune d’Elon Musk. Le monde serait différent…
Plus sérieusement, deux remarques :
- Le monde n’est plus gaussien, mais extrême, et la gestion d’actifs fondée sur la diversification du portefeuille a pris quelques rides. Dans un monde de « tech », l’approche Capital-Risque semble plus appropriée : ne pas manquer le prochain Nvidia !
- La valeur boursière (pas fondamentale…) d’une firme est liée au prix auquel un investisseur pense pouvoir la revendre un peu plus tard. Si la valeur est multipliée par 2, son patrimoine a doublé mais pas encore le montant de son compte en banque. La transformation en liquidité est souvent problématique. C’est pourquoi Cisco achetait les firmes (bulle internet) en offrant des actions Cisco immédiatement transformable en monnaie sonnante !