Le liège ne protège pas toujours du dérapage…
Les hauts et les bas de la mise en bourse de Birkenstock
Par Dominique Jacquet
En battant de nombreux records au box-office et en apparaissant aux pieds de l’héroïne, le film Barbie a fortement influencé le marché boursier et certainement assuré une promotion efficace à la mise en bourse des chaussures Birkenstock.
Le caractère « glamour » des dites chaussures a peut-être échappé à certains, mais tous les investisseurs ont constaté que le marché était, en définitive, modérément sensible à la fameuse sandale.
Une valorisation à hauteur de 10 milliards de dollars avait été, un temps, évoquée par Bloomberg, puis l’enthousiasme est redescendu à 8 milliards.
Enfin, le 10 octobre, le prospectus définitif indique un prix offert de $46, ce qui valorise les 188 millions d’actions de la firme à environ 8,5 milliards de dollars US, soit 10 milliards USD en ajoutant 1,5 milliards de dette nette (hors leasing).
A l’ouverture, le 11, le titre s’échange à $41 pour clôturer à $40,2. Deux jours plus tard, le cours est égal à $36,4 et la capitalisation boursière est descendue à 6,8 milliards de dollars.
Cela représente, tout de même, une belle plus-value (40%) pour les propriétaires de la firme, LVMH et la famille de Bernard Arnault via L Catterton (fonds de private equity), qui étaient entrés au capital en 2021 au prix de 4,85 milliards de dollars.
« Comparaison n’est pas raison », mais on peut chercher à établir des corrélations avec des icônes de la chaussure comme Crocs. Au cours des 12 derniers mois, le cours est passé de $78 à $83, soit un peu de plus de 6% de progression. La société est cotée sur le Nasdaq, comme toutes les firmes de haute technologie(…), dont l’indice a progressé de plus de 30% sur la période. De plus, le cours de Crocs avait atteint un plus haut supérieur à $150 en avril et, donc, a perdu près de la moitié de sa valeur en 6 mois. Conjoncture boursière difficile pour la chaussure « tendance »…
Alors, Birkenstock entre en bourse avec des métriques volontaristes.
Certes, le chiffre d’affaires des 9 derniers mois est en hausse de 21% par rapport à la période précédente, avec une marge brute en hausse de 2%, mais des dépenses de marketing, elles aussi, en hausse de 2%.
Suivant la communication de l’entreprise (prospectus d’émission), l’Adjusted EBITDA représente 35% des revenus. L’entreprise n’est pas une grande consommatrice de « capex », les investissements industriels ne représentant qu’un cinquième des dépenses de ventes et marketing. L’EBITDA « ajusté » et le taux de croissance constituent, donc, deux bonnes métriques pour évaluer l’entreprise.
Même à $36,4 USD l’action, la valeur d’entreprise est valorisée à 6 années de revenus et 17 années d’EBITDA (ajusté).
Cela ne se justifie que dans le cas où le positionnement de la marque et l’engouement des clients sont pérennes. Or, Crocs, dans les années subprime, avait vu son cours de bourse à $1,2 par action, devenant un penny stock.
Le risque est, donc, évident, que la marque Birkenstock subisse éventuellement des aléas commerciaux non négligeables. Il est d’ailleurs intéressant de constater que la firme n’a pas rejoint les Maisons de LVMH. Du point de vue cohérence de marques, il était peut-être difficile de faire se côtoyer Dior et Birkenstock, mais surtout la longévité du Clos des Lambrays (le Grand Cru 2018 est vendu 460€ la bouteille, soit 2,5 paires de Sabots Bryson…), joyau de la Côte de Nuit créé en 1365, est probablement plus assurée.
La Roche Tarpéienne étant proche du Capitole dans les secteurs volatils, il est préférable de vendre « haut » pendant que le client y croit encore.
La marque est très « tendance », mais, comme le dit lui-même Bernard Arnault, seul un poisson mort navigue dans le sens du courant.